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03
sep

Comment adapter les forêts aux changements climatiques?

Les changements climatiques impactent de nombreuses essences forestières et le fonctionnement même des écosystèmes forestiers. Les forestiers s’interrogent sur la meilleure manière d’adapter leur forêt afin de les rendre plus résilientes. La chose n’est pas aisée car il n’existe pas de recettes miracles et les facteurs à prendre en compte émanent de domaines divers : physiologie végétale, protection des sols, stratégie sylvicole, introduction de nouvelles essences et provenances…

Cet article expose certains points fondamentaux relatifs à ces matières que le forestier ne peut ignorer.

Samenvatting

Il n’existe pas de recette miracle pour assurer la résilience des forêts. Pour atteindre cet objectif, la gestion forestière doit tenir compte de facteurs multiples.

La compréhension des stratégies d’adaptation des essences face à la sécheresse figure parmi les fondamentaux afin de faire le bon choix d’essences en fonction de la station. Qu’est-ce que la stratégie d’évitement et la stratégie de tolérance par retardement de la dessiccation ? Quelles sont les atouts et limites de ces stratégies ? Quelles essences sont concernées ?

Cet article répond à ces questions relatives à la physiologie végétale avant de revenir sur d’autres indispensables, accompagnés de réflexions, en matière de préservation des sols, de technique sylvicole et d’introduction d’essences et de provenances.

L’eau (sève brute1) monte dans l’arbre grâce à un phénomène de tension, directement lié à la demande évaporative de l’air. Cette demande
est satisfaite par l’évapotranspiration2 foliaire. Ainsi, sous l’effet de la chaleur (énergie solaire), l’eau liquide contenue dans les feuilles passe
dans l’air ambiant à l’état gazeux. Cela entraine un déficit hydrique foliaire qui met l’arbre sous tension et fait monter la sève. Par « effet domino », la montée de sève entraine une tension au niveau des racines qui compensent celui-ci par absorption de l’eau du sol (sève brute). L’évapotranspiration est donc le moteur de la circulation de l’eau dans l’arbre.

Lorsque l’eau du sol vient à manquer et que la sécheresse édaphique s’installe, la tension devient plus forte, et ce, d’autant plus lorsque la demande évaporative de l’air est forte (air sec). Cela peut entrainer des ruptures dans les colonnes d’eau des vaisseaux conducteurs de sève ascendante. Ce phénomène de rupture est appelé la cavitation. Celui-ci entraine la formation de bulles d’air dans la colonne d’eau, c’est l’embolie gazeuse. Celle-ci entrave, voire rend impossible, la circulation de l’eau.

La photosynthèse

  1. Les chloroplastes piègent l’énergie lumineuse
  2. L’eau pénètre dans la feuille
  3. Le CO2 pénètre dans la feuille
  4. Le sucre quitte la feuille

A. Vaisseau
B. Stomate

Les sucres synthétisés par les plantes vont servir à sa respiration, sa croissance, sa défense (voir point 4). Une partie de ces sucres est stockée sous forme d’amidon, principalement au niveau du collet et des grosses charpentières.

Opmerking

L’absorption racinaire est possible grâce aux mycorhizes3, ce sont les champignons qui pompent l’eau du sol avant de la restituer aux racines. En contrepartie, l’arbre donne aux champignons une partie des sucres synthétisés par photosynthèse.

Une partie de l’eau foliaire est utilisée pour la photosynthèse, réaction photochimique qui transforme l’eau (sève brute) et le gaz carbonique atmosphérique (absorbé par les feuilles) en glucose (sucre) et produit de l’oxygène. Cette réaction complexe se produit dans les feuilles et n’est possible qu’en présence de chlorophylle. Sa formule simplifiée est 6 CO2 + 6 H2O C6H12O6 + 6 O2.

Le glucose produit est utilisé par la plante pour son métabolisme4 ou stocké sous forme d’amidon (réserves).


  1. Eau et sels minéraux dissous présents dans le sol.
  2. Il est plus correct de parler d’évapotranspiration que de transpiration, terme plus adapté au monde animal.
  3. Association symbiotique entre un champignon et les racines d’une plante supérieure. On parle de symbiose mycorhizienne (la symbiose est une association réciproquement profitable entre plusieurs organismes).
  4. Le métabolisme est l’ensemble des réactions chimiques qui se déroulent à l’intérieur de chaque cellule d’un être vivant et lui permettent notamment de se maintenir en vie, de se reproduire, de se développer et de répondre aux stimuli de son environnement. Source : Wikipédia

* La physiologie végétale s’intéresse au fonctionnement des organes et des tissus végétaux et cherche à préciser la nature des mécanismes grâce auxquels les organes remplissent leurs fonctions et la plante se développe dans son environnement. Elle comprend notamment l’étude des relations hydriques et la photosynthèse. Source : https://biologievegetale.be


Parmi les essences forestières, on retrouve trois stratégies d’adaptation à la sécheresse.

La stratégie d’évitement s’appuie notamment sur :

  • de phénologie1 asynchrone à la période sèche qui se rencontre chez certaines essences. En région méditerranéenne, le chêne vert, par exemple, va pousser au printemps et en automne. En été, de juin à septembre, il est en arrêt complet de végétation ;
  • de fermeture précoce des stomates2, qui en cas de manque d’eau permet de maintenir le potentiel hydrique foliaire. Autrement dit, la fermeture des stomates stoppe l’évapotranspiration et bloque l’eau à l’intérieur de la plante.

La stratégie d’évitement ne se retrouve pas chez les feuillus de la zone tempérée, dont la régulation stomatique est limitée. En cas de sécheresse édaphique, la fermeture des stomates sera partielle, avec un degré d’ouverture variable selon les essences. À titre d’exemple, le chêne rouge d’Amérique est à « ce petit jeu » plus performant que nos chênes indigènes.

Cette stratégie est inhérente aux essences capables de développer un enracinement profond. Elles sont par conséquent susceptibles de puiser l’eau en profondeur et de poursuivre la photosynthèse tant que de l’eau sera disponible, même en cas de « sécheresse de surface » et de canicule.

Cette stratégie s’appuie également sur une adaptation morphologique des vaisseaux conducteurs de sève (plus épais) qui augmente leur résistance à la cavitation et donc réduit les risques d’embolie.

Cette stratégie concerne les plantes capables de stocker de l’eau dans leurs tissus. Elle ne concerne pas la région tempérée. Certaines essences combinent plusieurs stratégies, c’est le cas du chêne vert par exemple qui combine l’évitement et la tolérance par retardement de la dessiccation. C’est aussi le cas de certaines espèces de Cupressus et de manière générale des feuillus à feuilles persistantes. Les chênes indigènes et le cèdre de l’Atlas utilisent la stratégie de tolérance par retardement de la dessiccation (enracinement profond). Les pins, eux, utilisent la stratégie d’évitement.

Que la stratégie adoptée soit unique ou combinée, son efficacité sera variable d’une essence à l’autre. Ainsi, le chêne sessile sera plus résistant à la sécheresse que le pédonculé qui est plus sensible au manque d’eau et ne trouvera son optimum que sur des stations constamment alimentées.

Il est absolument fondamental de comprendre ces deux stratégies d’adaptation à la sécheresse afin de faire le bon choix d’essences en fonction de la station. Par exemple, le cèdre de l’Atlas possède une très bonne résistance à la sécheresse mais son enracinement est très sensible à la compacité du sol et à l’anaérobiose. Or, c’est son enracinement (pivotant et puissant) qui lui confère cette résistance. Par conséquent, son installation sur des sols à horizon compacté, engorgé ou peu profond est une erreur sylvicole à éviter absolument. En effet, en pareilles circonstances, l’enracinement du cèdre de l’Atlas ne se développe pas, ce qui annihile sa stratégie d’adaptation à la sécheresse. Notez que l’enracinement du cèdre de l’Atlas est aussi fortement entravé par les changements texturaux brutaux du sol.


  1. La phénologie est l’étude de l’apparition d’événements périodiques dans le monde vivant, déterminée par les variations saisonnières du climat. Source : Wikipédia
  2. Ensemble de deux cellules réniformes (cellules stomatiques ou cellules de garde) riches en chlorophylle, ménageant entre elles une petite ouverture (ostiole) par laquelle s’effectuent les échanges gazeux de la plante (respiration, évapotranspiration, photosynthèse). Source : Dictionnaire Larousse. NDLR : les stomates sont généralement présents à la face inférieure des feuilles. Chez certaines espèces végétales, ils peuvent aussi se trouver à la face supérieure des feuilles et sur les tiges.

La fermeture des stomates liée à la stratégie d’évitement entraine une chute de l’activité photosynthétique. En effet, les échanges gazeux entre la feuille et l’atmosphère sont bloqués, l’arbre préserve son eau mais l’absorption de CO2 nécessaire à la photosynthèse s’arrête. L’arbre va donc puiser dans ses réserves d’amidon pour assurer son métabolisme. Après une sécheresse ponctuelle, l’arbre reprendra rapidement son fonctionnement normal mais des sécheresses prolongées et récurrentes vont affaiblir graduellement l’arbre (plus assez de stock d’amidon pour refaire suffisamment de nouvelles feuilles au printemps), qui finira par mourir de faim (plus assez de photosynthèse et plus de réserves).

Dans la stratégie de tolérance par retardement de la dessiccation, l’arbre va poursuivre son activité photosynthétique tant qu’il trouvera de l’eau disponible en profondeur. Dès que l’eau manque, l’embolie s’installe et l’arbre (ou branche) finit par mourir de soif. Pour les essences qui adoptent cette stratégie, ce sont les sécheresses intenses et prolongées qui leur sont dommageables.

Une autre réponse possible à la sécheresse est la chute prématurée des feuilles afin de limiter les pertes hydriques (comme chez le bouleau par exemple). Ce stratagème de survie pose un problème majeur au niveau des réserves de l’arbre car cela diminue le potentiel photosynthétique mais entraine aussi une perte en éléments nutritifs. En automne, le processus de chute des feuilles s’accompagne d’une récupération d’environ 50% des nutriments qu’elles contiennent et ceux-ci sont stockés dans les rameaux pour le débourrement du printemps suivant. Lorsque l’arbre doit « se débarrasser » de ses feuilles en saison de végétation, il n’y a pas de récupération des nutriments, les feuilles tombent vertes au sol. Cela affaiblit considérablement l’arbre.

Vulnérabilité des essences à l’embolie

La vulnérabilité à l’embolie peut se visualiser sur graphique en mettant en relation l’état de la sève dans les conduits du xylème1 (potentiel hydrique en MPa) et le degré d’embolie (PLC %).

Courbe de vulnérabilité d’un hêtre européen

Source : Wortemann R., Variabilité de la vulnérabilité à la cavitation chez le hêtre. Colloque Xylème, INRA Nancy, 23p.

Une valeur fréquemment utilisée pour comparer les espèces est le P50, c’est-à-dire le potentiel hydrique pour lequel 50 % de perte de conductivité est mesurée (embolie de 50 %). Le P50 ne doit pas être considérée dans l’absolu car il s’agit de données de laboratoire standardisées. Bien d’autres paramètres vont intervenir dans la nature, le P50 est donc indicatif mais ne reflètera pas nécessairement la réalité du terrain.

Source : D’après Cochard H. et al., 2016. L’embolie et la vulnérabilité des arbres à la sécheresse, INRA Clermont-Ferrand.

Par exemple, le P50 du chêne sessile (Quercus petraea) est légèrement supérieur à celui de l’épicéa (Picea abies) (voir graphique). Si on se fie uniquement à cette donnée, on en conclut que l’épicéa est plus résistant à la sécheresse que le chêne sessile ! Les choses sont bien plus complexes, un chêne sessile installé sur un sol profond avec une bonne réserve utile (voir encadré page 21) n’aura aucun problème d’embolie, ce qui ne sera pas nécessairement le cas de l’épicéa (enracinement traçant) en cas de « sécheresse de surface »


  1. Partie du bois dans laquelle circule la sève brute.

La synthèse des molécules de défense des arbres (polyphénols, alcaloïdes…) demandent énormément d’énergie (sucres) (voir schéma en préambule). En cas de stress hydrique qui entraine une baisse de la photosynthèse et par conséquent une diminution des réserves, l’arbre va prioritairement diminuer ce qui est le plus énergivore, c’est-à-dire la synthèse des molécules de défense, afin d’assurer sa survie métabolique (respiration et croissance).

Ce principe est évidemment à nuancer d’une essence à l’autre. L’épicéa est un exemple typique de l’effet négatif d’un stress hydrique sur les défenses de l’essence. En cas de stress hydrique, l’épicéa va stopper la synthèse de ses molécules de défense. La suite, malheureusement bien connue des forestiers, se traduit en peuplement monospécifique par des attaques massives d’Ips typographe (scolyte de l’épicéa).

Les arbres qui ont souffert d’une ou plusieurs sécheresses présentent les symptômes suivants :

  1. des mortalités de branches ou de l’arbre, en fonction du degré de cavitation au sein des individus ;
  2. des houppiers clairsemés au moment du débourrement l’année suivant le stress ;
  3. une diminution de la croissance ;
  4. une sensibilité aux agents pathogènes.

Il est logique que les sécheresses impactent différemment la croissance des arbres selon leur stratégie d’adaptation. La stratégie d’évitement aura un impact négatif sur la croissance (baisse de photosynthèse). Par contre, un chêne pédonculé peut parfaitement préserver sa productivité en pleine sécheresse si son enracinement est suffisamment développé en profondeur et y trouve de l’eau disponible (pas de baisse de photosynthèse).

Par ailleurs, une installation sur les meilleures stations d’un point de vue hydrique n’aura pas un impact aussi positif en termes de croissance chez les essences qui utilisent la stratégie de tolérance par retardement de la dessiccation que chez les essences qui s’appuient sur la stratégie d’évitement. Les premières sont génétiquement « programmées » pour « blinder » leurs vaisseaux afin de résister à la cavitation, ce qui leur demande beaucoup d’énergie et de carbone. Elles se « concentreront » toujours sur cet aspect en priorité. Les secondes, en revanche, libérées des contraintes hydriques, photosynthétiseront au profit de leur croissance. En d’autres termes, l’allocation des sucres issus de la photosynthèse présente des priorités différentes selon la stratégie d’adaptation de l’essence.

Des différences de gain de croissance en fonction de la station sont également marquées pour les essences qui utilisent une même stratégie. Par exemple, un chêne pubescent aura une fourchette de croissance potentielle moins large que le chêne sessile, car le pubescent présente une stratégie de tolérance par retardement de la dessiccation plus forte. En d’autres termes, le pubescent ne gagnera pas autant (voire pas du tout) en croissance que le sessile sur les meilleures stations mais résistera bien davantage à la sécheresse sur les stations contraignantes.

Ce sont les racines situées à plus d’un mètre de profondeur qui assurent l’absorption de l’eau en période sèche. La lecture des graphiques ci-dessous nous montre que 80 % des racines se trouvent avant 60 cm, 12 % entre 60 cm et 1 m et seulement 8 % au-delà du mètre (étude menée sur le frêne). Au printemps, la majorité des racines de « surface » absorbe l’eau nécessaire à l’arbre mais au fur et à mesure que la saison de végétation avance (moins d’eau disponible à faible profondeur) les racines profondes prennent le relai et finissent par absorber la quasi-totalité de l’eau.

Par conséquent, les contraintes à l’enracinement sont d’une importance majeure et oriente indubitablement le choix des essences à implanter sur une station donnée (voir photos ci-après).

Les principales contraintes à l’enracinement sont l’engorgement (anaérobiose) et la compacité du sol. Les sensibilités à ces deux facteurs sont variables selon les essences. A titre d’exemple, le chêne sessile est sensible à l’engorgement prolongé du sol mais peu sensible à la compacité. Le cèdre de l’Atlas est très sensible à l’un comme à l’autre.

Évolution de la quantité d’eau prélevée dans le sol au cours de la saison estivale en fonction de la profon￾deur (Frêne). D’après Bréda N. et al. 2002.

Belles illustrations de la corrélation entre stratégie d’adaptation à la sécheresse et contrainte à l’enracinement. À gauche, un cèdre de l’Atlas (stratégie de tolérance par retardement de la dessiccation) de 12 ans installé sur une dalle fissurée. Après quelques années difficiles, les racines du cèdre ont trouvé leurs chemins dans les fissures et se développent en profondeur et assurent l’approvisionnement en eau. Au centre, un cèdre de l’Atlas du même âge sur un sol avec une dalle compacte à 40 cm. Sa croissance est quasi nulle, les pousses annuelles sèchent. Contrairement à ce qu’on peut penser, le cèdre régule très mal son évapotranspiration et résiste très mal à la sécheresse. Il compense par son enracinement profond, à condition que ce dernier puisse se développer. À droite, des cyprès de l’Arizona de 12 ans installés sur le même sol à dalle compacte. Le cyprès de l’Arizona applique une stratégie mixte. S’il ne peut développer son enracinement (stratégie de retardement), il limite son évapotranspiration par fermeture des stomates (stratégie d’évitement). Photos : Office national des forêts (ONF).

Plus la révolution sera courte, plus l’exportation des nutriments (azote, phosphore, potassium) hors de la forêt sera élevée. En effet, plus la proportion de bois juvéniles est importante dans les exploitations, plus l’exportation de nutriments sera importante.

Le graphique ci-dessous donne une information essentielle quant au risque d’appauvrissement des sols suite aux exploitations forestières. La grande majorité des nutriments (50 à 80 % selon les essences) se trouvent dans les branches dont le diamètre est inférieur à 7 centimètres.

Par conséquent, il faut absolument éviter d’exporter les fines branches, et ce, surtout sur des sols pauvres, où l’exploitation par arbre entier (houppier compris) devrait être proscrite.

L’une des adaptations sylvicoles mise en avant face aux changements climatiques est de raccourcir les cycles sylvicoles, mais attention aux exportations, raccourcir les révolutions sans limiter celles-ci conduira à des effets désastreux pour nos sols forestiers, premier outil de production. Le cumul du raccourcissement des révolutions et de l’exploitation de biomasse totale conduit à des exportations très fortes que le bilan minéral naturel d’un écosystème ne peut compenser.

Une telle exportation appauvrit le sol qui s’acidifie. Cela impacte négativement :

  • la stabilité structurale : le sol devient plus sensible à l’érosion ;
  • l’activité biologique du sol ;
  • la productivité.

Opmerking

  • L’andainage des rémanents d’exploitation n’est pas judicieux car les nutriments seront restitués localement et pas sur l’ensemble de la parcelle. Cependant, pour des raisons économiques, cette pratique est préférée au broyage.
  • On comprend aisément que l’exploitation du taillis constitue le type de traitement sylvicole qui a le plus d’impact sur les exportations, qui plus est en courte rotation. Les pratiques anciennes de taillis ont ruiné beaucoup de sols forestiers.
  • Les bois laissés au sol constituent une réserve d’eau non négligeable souvent ignorée. Les bois morts retiennent de grandes quantités d’eau qui seront en partie restituée au sol en cas de stress hydrique.
  • Remettre les cendres issues du bois-énergie en forêt est une fausse solution car les cendres de bois ne contiennent plus d’azote et de carbone. Or, ces deux éléments sont primordiaux pour la croissance des arbres et l’activité biologique du sol.

Feuillus ou résineux

Compte-tenu du contexte climatique, sur les sols à tendance xérique1 la sylviculture des feuillus est davantage remise en question que celle des résineux car ces derniers offrent un panel plus large d’essences aptes à résister à la sécheresse tout en offrant une productivité intéressante.

Par conséquent, les sylviculteurs font face à un paradoxe car notre société est plus enclin à favoriser les feuillus que les résineux, voire a tendance à dénigrer ces derniers, parfois accusés de tous les maux. Il est intéressant de remarquer qu’en région méditerranéenne, les forêts de production sont toutes composées de résineux (pin d’Alep, pin maritime, pin parasol…).


  1. Qualifie un milieu caractérisé par un bilan hydrique très déficitaire entraînant une sécheresse marquée. Source : Vocabulaire forestier – Écologie, gestion et conservation des espaces boisés, Christian Gauberville, Yves Bastien, CNPF-IDF – 2011.

Le sylviculteur doit savoir que :

  • la porosité du sol est d’origine biologique. Les vers de terre, notamment, aèrent le sol. Cette aération permet à l’eau et à l’air de circuler dans le sol ;
  • le tassement est « définitif » (voir remarque), il n’existe aucun moyen mécanique de remédiation ;
  • le tassement diminue la productivité ;
  • le passage répété d’engins lourds sur les sols, même secs, conduit à une dégradation de leur structure1 ;
  • les peuplements sur sols tassés sont plus rapidement fragilisés en cas de stress et les dépérissements y sont, par conséquent, plus nombreux. En effet, la perte de porosité entraine de nombreux problèmes comme l’engorgement, des enracinements déficients, une diminution des mycorhizes, une perte d’activité biologique du sol…

Par conséquent, certaines recommandations sont impératives afin de minimiser et circonscrire le passage des machines lourdes :

  • cloisonnement d’exploitation obligatoire et respect de ceux-ci dans le cahier des charges ;
  • favoriser le câblage des grumes (cloisonnements plus larges) ;
  • travailler le sol avec parcimonie et ponctuellement (uniquement en cas de blocage de végétation). Éviter de toucher le sol (fraisage par exemple) pour éviter sa déstructuration (la vie du sol est majoritairement présente dans les 15-20 premiers centimètres) et sa minéralisation (lessivage dans les cours d’eau) ;

Opmerking

Un travail du sol en surface favorisera la reprise des plants, avec le scarificateur réversible par exemple. Mais en profondeur le tassement persiste même avec un sous-solage. Il demeure sur un laps de temps supérieur à celui de l‘échelle humaine. Certaines essences peuvent favoriser un rétablissement en décompactant le sol avec leurs racines. L’apport de matière organique pour favoriser la biologie du sol est un élément essentiel de la remédiation des sols tassés.


  1. Lamandé M. et al., 2005. Effets de l’exploitation forestière sur la qualité des sols. ONF – Collection dossiers forestiers n°15, 131p

Outre l’introduction de nouvelles essences et provenances et les leviers sylvicoles que nous abordons ci-après, il faut également veiller à laisser s’exprimer les capacités d’adaptation de la ressource locale, ne pas considérer que la « partie est perdue ». La diversité intrinsèque est très élevée chez les arbres, du moins chez certaines essences, ce qui leur donne de grandes capacités d’adaptation.

Pour adapter les forêts aux changements climatiques, le forestier doit agir à trois niveaux : la densité, la structure et la composition. La densité fait référence aux éclaircies, à leur intensité et leur fréquence. La structure multi-strate renvoie à une forêt étagée avec des arbres d’âges multiples (futaie irrégulière). Enfin, la composition concerne le mélange d’essences (futaie mélangée).

Un régime d’éclaircies plus dynamiques tend à améliorer le bilan hydrique car, d’une part, il y a moins d’interception de la pluie par le feuillage, ce qui augmente la quantité d’eau qui parvient au sol avant d’être évaporée, et d’autre part, la concurrence pour la ressource hydrique est moindre car les arbres sont moins nombreux (moins d’évapotranspiration). En d’autres termes, plus le peuplement est dense et plus vite est atteint le seuil de déficit hydrique du sol. Les peuplements éclaircis ont une meilleure croissance lors d’une sécheresse1 et une meilleure résilience de leur croissance après un épisode sec.

Toutefois, l’intensité des interventions présente des limites car l’éclaircie peut nuire aux arbres résiduels. En effet, plus l’éclaircie est forte, plus le bilan hydrique de la parcelle est amélioré mais l’évapotranspiration à l’échelle de l’arbre augmente (développement de son houppier et en pleine lumière).

C’est une donnée importante qu’il faut garder en tête, notamment en sylviculture mélangée à couvert continu (SMCC). Les arbres objectifs détourés seront plus exposés au stress hydrique. En SMCC, plus encore que pour d’autres traitements sylvicoles, il faut veiller à une adéquation essence/station optimale d’un point de vue hydrique, d’autant plus si on désigne des essences d’ombre (le hêtre par exemple) dont les feuilles évapotranspirent abondamment. Il faut également savoir que la lumière donnée aux strates inférieures favorise leur croissance, ce qui impactera de façon non négligeable le bilan hydrique du peuplement dans son ensemble.

Une sylviculture dynamique est fa￾vorable à l’alimentation en eau du peuplement à la condition qu’elle ne soit :

  • ni excessive ;
  • ni brutale ;
  • et précoce (et ne pas négliger les dépressages).

Le raccourcissement des révolutions qui en découle permet de :

  • limiter le vieillissement des peuplements, facteur de vulnérabilité accrue à tous les stress ;
  • limiter l’exposition aux risques dans le temps ;
  • favoriser la production de bois au bénéfice de l’atténuation (séquestration et substitution).

Ceci à la condition de rester vigilant concernant les exportations (voir point 1 du chapitre précédent).

En plaine et sur des sols régulièrement soumis à des sécheresses, il n’est pas prouvé que la futaie irrégulière soit une des solutions de gestion des forêts permettant de limiter les stress hydriques. Il n’est pas possible d’affirmer qu’un système est meilleur que l’autre dans ces conditions.

Les peuplements naturels soumis régulièrement à la sécheresse sont réguliers, les forêts de pins d’Alep par exemple ou de pins ponderosa, etc.

Peut-on en conclure que sur des sols à tendance xérique, la structure irrégulière peut être remise en question ? Cette interrogation ne remet nullement en question la futaie irrégulière sur les stations moins contraignantes et a fortiori optimales.

Le mélange des essences présente des interactions positives et négatives.
Les interactions négatives sont :

  • la concurrence pour la ressource chez les espèces de même niche écologique1 ;
  • l’antagonisme par allélopathie2.

Les interactions positives sont :

  • la complémentarité : les ressources disponibles seront mieux partagées entre des espèces possédant une niche écologique différente (enracinement traçant/pivotant, essence d’ombre/lumière…) ;
  • la facilitation : effet bénéfique d’une espèce sur une autre espèce avec laquelle elle est en interaction.
    Un exemple connu est l’association robinier/peuplier qui est bénéfique au peuplier, qui pousse plus rapidement du fait de la fixation d’azote par le robinier. Un autre exemple est l’association aulne/chêne pédonculé sur nappe temporaire. L’aulne débourre plus tôt que le chêne pédonculé et assèche le sol (évapotranspiration), ce qui permet au chêne de développer plus facilement son enracinement en profondeur, ce qui le rend plus résistant aux sécheresses estivales.

Dans la pratique, les interactions dues à la diversité sont positives sur le niveau d’exposition à la sécheresse (moindre) pour les forêts tempérées décidues sur sol profond3. Le partage de l’espace souterrain par les racines semble jouer un rôle important dans l’effet de la diversité sur la résistance à la sécheresse4.

Opmerking

En conditions méditerranéennes, le niveau d’exposition à la sécheresse n’est pas contrôlé par la diversité mais par la densité de tiges.

Au niveau de la croissance, les peuplements mélangés sont généralement plus productifs (fane améliorante notamment). Les figures ci-dessous nous donnent les informations suivantes (figure de gauche = effet global du mélange, figure de droite = effet du mélange par essence) :

  • dans le mélange hêtre/chêne, l’effet est légèrement positif pour le hêtre mais le chêne est perdant. Le chêne aura plus de vitalité en chênaie pure qu’en hêtraie/chênaie.
  • le mélange hêtre/épicéa est très favorable à la croissance du hêtre, mais pas à celle de l’épicéa ;
  • le mélange hêtre/sapin pectiné est surtout favorable à la croissance du hêtre ;
  • le mélange sapin pectiné/épicéa est favorable au sapin ;
  • pour le mélange chêne/pin, l’effet mélange est positif pour le chêne mais pas pour le pin ;

D’après Toïgo M., et al. 2015. Overyielding in mixed forests decreases with site productivity. Journal of Ecology (103) pp. 502-512


  1. Ensemble des paramètres qui caractérisent les exigences écologiques ou le mode de vie d’une espèce. Source : Vocabulaire forestier – Écologie, gestion et conservation des espaces boisés, Christian Gauberville, Yves Bastien, CNPF-IDF – 2011.
  2. L’allélopathie est un phénomène biologique par lequel un organisme produit une ou plusieurs substances biochimiques qui influencent la germination, la croissance, la survie et la reproduction d’autres organismes. Source : Wikipédia.
  3. Grossiord C., et al., 2015. Les forêts tempérées face aux conséquences du changement climatique. RFF 2, pp. 99-110.
  4. Grossiord C., et al., 2015. Les forêts tempérées face aux conséquences du changement climatique. RFF 2, pp. 99-110.

Il est utile de rappeler que le continent européen a perdu énormément d’espèces suite aux glaciations, ce qui n’est pas le cas de l’Amérique du Nord1. Ainsi, sous des latitudes comparables, il n’est pas rare de retrouver un rapport de dix pour un en termes d’espèces au profit du continent américain.

L’introduction de nouvelles essences et provenances a pour objectif de maintenir une sylviculture, notamment de production, avec des essences mieux adaptées à des conditions plus sèches et plus chaudes2. Elle s’appuie sur la migration assistée (voir ci-après) et l’introduction d’essences allochtones (voir encadré). Ces introductions exigent une connaissance profonde de l’autécologie3 des essences.

Le projet Trees For Future4, mené par la Société Royale Forestière de Belgique, teste différentes provenances et essences d’arbres en forêt au sein d’un réseau de parcelles expérimentales réparties à travers le pays (voir l’article en page 8).

Il s’agit d’introduire des arbres d’une espèce déjà présente sur le territoire mais issus du Sud de son aire de répartition. Par exemple, on parlera de migration assistée de provenances lorsqu’on plante en Belgique un hêtre commun issu d’une graine récoltée en Italie ou dans le Sud de la France. L’objectif est ici d’introduire des gènes de résistance à la sécheresse présents dans ces populations du sud et de permettre leur propagation au sein des populations locales. Il s’agit donc d’enrichir la diversité génétique d’une espèce locale pour lui permettre de s’adapter au nouveau climat. Les essences concernées par ce type de migration dans le projet Trees for Future sont le chêne sessile, le hêtre, le tilleul à petites feuilles et dans une moindre mesure, le chêne pubescent parce que bien qu’indigène, il est aujourd’hui très rare chez nous.

Dans ce cas, on introduit une espèce qui n’est pas encore présente sur le territoire mais qui vit plus au sud sur le continent dans des conditions climatiques similaires à celles qui sont attendues dans les prochaines décennies en Belgique. Par exemple, on parlera de migration assistée d’essences quand on plante en Belgique des chênes méditerranéens (chêne de Hongrie, chêne chevelu), des sapins méditerranéens (sapin de Céphalonie, sapin de Bornmüller…) ou des pins méditerranéens (pin maritime, pin de Macédoine, pin de Bosnie…).

Vers une définition continentale de l’indigénat ?

Encadré extrait de l’article « introduire de nouvelles essences et provenances en réponse aux Changements climatiques : audace ou inconscience ? » Nicolas Dassonville et Pascaline Leruth, Silva Belgica 1/2023.

Les essences indigènes ont, par leur longue existence sur un territoire donné, tissé une multitude d’interactions avec la faune et la flore locales. Ce sont toutes ces interactions qui offrent à l’écosystème forestier toute sa complexité et qui donnent leur valeur biologique aux forêts anciennes sub-naturelles1. Une essence est dite indigène si elle est naturellement (sans intervention récente ou ancienne2, directe ou indirecte de l’homme) présente dans un territoire donné. La notion d’indigénat dépend donc de l’échelle géographique considérée. Une essence naturellement présente à Rochefort doit-elle être considérée comme indigène en Famenne, en Wallonie, en Belgique, en Europe occidentale ? La décision est relativement arbitraire mais peut potentiellement influencer grandement la politique forestière, particulièrement en termes législatifs.

Ainsi, une essence considérée comme indigène en Flandre (ex. : le pin sylvestre3) et qui peut, par conséquent, faire l’objet de plantation sur tout ce territoire, y compris en Natura2000 et dans les forêts anciennes sub-naturelles, peut être considérée comme non-indigène en Wallonie, ou inversement. Dans le cas du pin sylvestre, par exemple, une définition nationale de l’indigénat changerait assurément la donne.

Considérant que les frontières administratives, nationales comme régionales, ne sont pas transposables aux espèces biologiques, y compris les arbres, et considérant les changements climatiques qui modifient progressivement les enveloppes climatiques des essences, ne serait-il pas plus pertinent de considérer l’indigénat au niveau continental ? En effet, au cours des périodes glaciaires et interglaciaires, il est vraisemblable que les essences aient été mises en contact les unes avec les autres. On peut donc considérer que les essences du Sud de l’Europe ont un historique d’interactions avec les espèces de la faune et de la flore locales.

Dans les politiques d’introduction d’essences nouvelles, une essence comme le chêne de Hongrie ne devrait-elle pas être considérée comme indigène en Europe et par conséquent ne pas être soumise aux mêmes restrictions qu’une essence d’origine asiatique (ex : frêne de Mandchourie) ou nord-Américaine (ex. : séquoia sempervirens) qui n’a pas d’historique d’interactions avec la faune et la flore locales et qui présente, a priori, un potentiel biologique plus faible et un risque invasif plus élevé ?


  1. Sub-naturel : qualifie une végétation qui offre des caractères certains de naturalité, masquant cependant, souvent incomplètement, les traces d’activités anthropiques anciennes (agropastorale, exploitation de matériaux, etc.). Source : Vocabulaire forestier. Écologie, gestion et conservation des espaces verts, Christian Gauberville, Yves Bastien – CNPF-IDF – 2011.
  2. Sans définition précise de temps.
  3. Le caractère indigène du pin sylvestre en Belgique est encore débattu actuellement. Il aurait été semé pour la première fois en Belgique en 1675, en Campine. Source : Fichier écologique des essences.

Article du Silva Belgica 4/2023

Écrit par David Dancart1, d’après l’exposé de Jean-Claude Tissaux2 donné à l’occasion de la journée intitulée « Stratégies d’adaptation des forêts aux changements climatiques » organisée par la Société Royale Forestière en 2022.

  1. Responsable Silva Belgica, Société Royale Forestière de Belgique
  2. Jean-Claude Tissaux est chargé de mission reconstitution et adaptation des forêts au changement climatique à l’Office national des forêts (France). Il est impliqué dans de nombreux projets de recherche de terrain sur le sujet.

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